Titre en français : Le vrai courage
Réalisé et écrit par : Joel Coen et
Ethan Coen
Avec : Hailee Steinfeld, Jeff Bridges, Matt Damon, Josh Brolin...
Date de sortie (Québec) : 22 février 2011
Mattie Ross (Hailee Steinfeld), quatorze ans, est déterminée à rendre justice à son père, tué de sang-froid par le lâche Tom Chaney (Josh Brolin). Elle engage Rooster Cogburn (Jeff Bridges), un Marshall alcoolique réputé pour avoir la gâchette facile, et décide de l’accompagner (malgré ses réticences) à la poursuite de Chaney. Ils devront traquer le criminel jusqu’en territoire Indien, et le trouver avant LaBoeuf (Matt Damon), un Ranger également à sa recherche pour un meurtre commis au Texas.
Je reviens du cinéma (oui oui, je sais, c'est un luxe dans ce pays, mais que veut-on, chacun ses passions!) où je suis allée voir le petit dernier du réalisateur à deux têtes :
Le vrai courage. Ma « critique » est donc écrite à chaud, vous l'aurez compris, je ne l'ai visionné qu'une seule fois. Je précise que je n'ai pas vu
la version de 1969 avec John Wayne ni lu le roman sur lequel le film se base.
True Grit est un western. Dans la veine des bons westerns, ceux qui ont contribué à l'établissement du cinéma américain. Déjà, pour moi qui suis fan de ce genre, ça commence avec un excellent point sur le tableau d'honneur. Sans compter que les frères Coen revisitent le genre, en jouant avec les clichés. Ainsi, on présente de vieux cowboys éprouvant un malaise à se frayer un chemin dans les sillons de la société. Malaise qu'ils comblent avec du vieux whisky. Mais le stéréotype se surpasse lui-même : ces personnages colorés exposent toute leur folie et leur désespoir, leur courage (le vrai courage) et leur cran (« true grit » pourrait se traduire par « vrai cran ») devant un jeu de réalisation tout empreint de la distorsion coénienne typique. Oui, ici, c'est une fillette de quatorze ans qui mène les deux loups dans leur mission, à travers non pas un désert immense, mais une plaine couverte d'une mince couche de neige. Ici, la violence n'est qu'un accessoire permettant de surprendre le spectateur (n'est-ce pas la plus grande force des deux frères cinéastes, cette capacité de surprendre sans cesse?). Et pourquoi pas? Après tout, pas un seul des personnages n'est pacifiste. La vengeance ou l'appât du gain les motivent, ils ne sont pas hypocrites, même pas envers les spectateurs. Mais ce qui fait la grande force de ce long-métrage, c'est le dialogue d'une pureté coénienne. Déconcertants, surprenants, absurdes, sadiques, les mots sont tirés comme une balle sur une galette de maïs. On retrouve donc le style des frères derrière chaque phrase, des phrases qui n'ont rien à voir avec les bavardages vides de sens trop souvent proposés au cinéma. Les dialogues sont donc porteurs d'intelligence, devenant même le principal intérêt du film, avec le jeu des acteurs.
Parlons-en de ces interprétations.
True Grit n'a hélas que deux acteurs valables à proposer : Jeff Bridges et Hailee Steinfeld. Monsieur Bridges incarne un personnage ressemblant un peu à ce Duc (
The Big Lebowski), mais tant que ça en fait. C'est peut-être d'ailleurs une des déceptions du film : avoir Jeff Bridges dans un film de Joel et Ethan Coen n'implique pas nécessairement un
Big Lebowski 2, que nous attendions peut-être tous un peu, insconsciemment. Mais il faut savoir faire le deuil de ses fantasmes cinématographiques. Jeff Bridges joue un cowboys juste, mais violent, courageux, mais bon à rien dans sa vie privée. Un peu de ce Duc, donc, mais aussi, un peu de tous ces désaxés de la colonisation américaine qui n'arrivaient pas à s'intégrer aux moeurs et aux lois de la nouvelle société. Hailee Steinfeld quant à elle interprète à merveille ce rôle d'une fille-femme autoritaire et contrôlante, mais si fragile en même temps. Bon, il faut dire que ce ne sont pas la sensibilité ni les débordements d'émotions qui étouffent ce personnage au visage quasi sans expression. Est-ce volontaire? Probablement. Peut-être à la façon d'une carapace pour se protéger de la perte de son père. Il sera bon de garder un oeil sur les rôles futurs de cette petite dame. Je ne parlerai même pas des autres acteurs, surtout pas de Matt Damon, qui jouent tous à côté de leurs pompes... Disons pour faire court qu'ils gâchent le sens de
True Grit : un film d'acteurs, et non pas d'action.
Ensuite, glissons quelques mots sur la musique et les couleurs du film. Que dire s'ils sont parfaits dans leur genre, c'est-à-dire qu'ils correpondent au style « coen » ? À noter que Le vrai courage possède même un peu plus de teintes de couleurs que le reste de la filmographie des réalisateurs.
Par contre, et là, vous m'en voyez navrée, le film est aussi une grosse déception! Pourquoi? Parce qu'il manque ce petit quelque chose que j'attendais tout au long de l'histoire! Une histoire qui s'est révélée superficielle. Pourquoi avoir choisi de réinterpréter un film qui ne fut jamais un classique du western, mais une oeuvre populaire qui, à en croire l'histoire du cinéma, n'a jamais rien transcendé ni rien apporté de neuf? On se le demande. Peut-être pour faire revivre ce récit en revenant aux sources, c'est-à-dire plus près du roman original? Et donc, pour lui donner une deuxième chance? Si c'est le cas, ce fut légèrement raté, puisque hormis les dialogues riches, le scénario manque de profondeur. Je suis restée sur ma faim, attendant LE grand événement qui rendrait ce film mémorable. Mais cet événement fut absent du film, ne laissant la place qu'à un scénario au rythme inégal. Je pense que le film manquait de folies. Après tout, nous sommes habitués à plus de la part des deux frères Coen. Nous savons qu'ils en ont la capacité et le talent (et même le budget!). Mais cette grande intelligence artistique, ils ne l'ont pas exploitée. Et c'est dommage. À la lecture d'autres critiques sur la toile, je me suis aperçue que je ne fus pas la seule à ressentir ce manque, ce petit je-ne-sais-quoi pour reprendre une expression française, qui aurait fait de
True Grit le film marquant le retour du western. Et c'est vraiment dommage, vraiment... surtout si l'on compare à leur précédente oeuvre,
A Serious Man, qui est, je le dis de manière simple, un grand film.
Bref, Le vrai courage n'est pas à la hauteur des attentes, mais comporte néanmoins de nombreux points positifs qui le classe tout de même dans la catégorie des films à voir. J'ai même réussi à initier une amie au genre western grâce à ce film, donc rien n'est perdu. Mais il faut avoir à l'esprit que Joel et Ethan ne se sont pas surpassés pour cette oeuvre, ratant par le fait même l'occasion de faire un autre grand film. Peut-être se réservent-t-ils pour le prochain? Je croise les doigts en attendant.