dimanche 20 février 2011

Gattaca - par Andrew Niccol

Fiche technique
Titre : Gattaca / Bienvenue à Gattaca
Réalisateur : Andrew Niccol
Scénario : Andrew Niccol
Musique : Michael Nyman
Année : 1997 
Avec : Ethan Hawke, Jude Law, Uma Thurman
La bande-annonce

Synopsis
Gattaca est une agence spatiale qui n’accepte en son sein que l’élite de la société. Mais, dans ce futur pas si éloigné, l’élite n’est plus désignée grâce à la classe sociale, la couleur de la peau, les diplômes ou la nationalité. Non. La place sociale que l’individu occupe se décide désormais dès la naissance dans ce monde où la procréation n’est plus placée sous le signe de l’amour, mais sous la main bienveillante de la science. En effet, la manipulation génétique est devenue la nouvelle façon de donner la vie. Dans cette société discriminatoire envers ceux qui ont été conçus de façon naturelle, un de ces êtres (considérés invalides), Vincent Freeman, décide de tout faire pour mettre en oeuvre son rêve : aller dans l’espace. Pour cela, il doit cependant devenir un pirate génétique (un dé-gêne-érés) en empruntant l’identité d’un enfant conçu in vitro, Jérôme Eugène Morrow, dont le destin, qui reste malgré tout la mère de l’avenir, a fauché les rêves en même temps que la colonne vertébrale. Vincent Freeman se voit donc ouvrir les portes de Gattaca. Mais il n’a pas prévu qu’une enquête policière pour un meutre risque de mettre en péril son projet... 

Guanine - Adénine - Thymine - Cytosine
Bienvenue à Gattaca dépeint un futur où la génétique régit la vie des gens. Dans ce monde où le déterminisme est devenue la nouvelle façon d’évaluer (humainement et financièrement) les habitants de cette société, l’eugénisme (et le génoïsme) a relégué au placard toute notion d’éthique, et est devenu le nouveau mode de conception des enfants. De fait, ce film pose les questions suivantes : si la discrimination est possible grâce à l’avènement d’une nouvelle technologie, jusqu’où peut-on aller dans l’organisation du tissu social? Est-ce éthique que les parents aient le droit de choisir tout ce qui constituera leur enfant, de la couleur des yeux à la personnalité ? Et comment faire la différence entre la maladie légère et le mal létal? Parmi les scènes supprimées du film, il existe une fin alternative d’une sobriété intelligente révélant tout le potentiel de Niccol. Elle montre quelques personnalités qui ont marqué l’histoire du monde atteintes de maladies génétiques plus ou moins graves : Abraham Lincoln (syndrome de Marfan), Emily Dickinson (bipolarité), Vincent Van Gogh (épilepsie), Albert Einstein (dyslexie), John F. Kennedy (maladie d’Addison), Rita Hayworth (alzheimer), Ray Charles (glaucome primaire), Stephen Hawking (sclérose latérale amyotrophique) et Jackie Joyner Kersee (asthme). Cette fin se veut en elle-même la conclusion personnelle du réalisateur aux questions du film : l’imperfection n’empêche pas le talent. Ou, si l’on préfère, l’eugénisme a tort de vouloir réduire les gens à leurs simples gènes, car l’humanité est plus que cela. L’humanité est un chemin pavé de choix, et ce sont ces choix qui forment l’individu, non son sang. Bienvenue à Gattaca, bien plus qu’un simple traité contre l’eugénisme (et les excès du génoïsme), est l’histoire de deux hommes que tout oppose, mais qui partagent pourtant leur vie et leur identité : Vincent Freeman (traduisible par Vincent Homme-libre!) et Jérôme Eugène Morrow (Génôme Gène Demain!). Le premier n’a rien pour lui, si ce n’est un rêve, alors que le second a tout sauf un rêve. Ensemble, ils violeront les lois de Gattaca (la nouvelle morale qu’ils créent tous les deux passe donc par le refus des lois!) : ils renverseront l’ordre génétique. Si on se réfère à la science, il est possible de découvrir que « le terme Gattaca est [...] directement lié à la génétique puisque les lettres composant le mot renvoient aux bases chimiques suivantes : G pour Guanine, A pour Adénine, T pour Thymine et C pour Cytosine1 ». Bienvenue à Gattaca est donc l’histoire de deux hommes qui se servent du système pour mieux le tromper. Dénonciation de l’eugénisme, revendication d’un certain existentialisme, mais surtout un chef d’oeuvre du cinéma d’anticipation par la dystopie présentée grâce à divers moyens techniques tels que les costumes, les accessoires, les personnages, la musique, la sobriété des effets spéciaux, etc. Il en sera étudié deux dans ce billet : l’esthétique de ce long-métrage et les plans de caméra. Les liens entre le concept intrinsèque du film et sa mise en oeuvre seront analysés.


1- L’image : Le caractère rétro
Bienvenue à Gattaca présente une esthétique visuelle bien différente de ce qu’offre habituellement les long métrages d’anticipation. En effet, ici, le public n’est pas transporté dans une cité aux allures technologiquement surdéveloppées ; il n’y a ni robot ni extraterrestre marchant dans les rues. L’ambiance de Bienvenue à Gattaca s’inscrit plutôt dans une veine « années 50 », tant en ce qui concerne les costumes que les accessoires et les décors. Il faut bien comprendre que le réalisateur, Andrew Niccol, a dû fabriquer l’univers de ce film avec un petit budget. Cela lui a toutefois bien servi puisque l’on peut faire ressortir de cette atmosphère minimaliste une solution à ce monde déshumanisé : en relativisant le monde (décors et costumes plus près du passé que du futur), on met en avant la beauté des petites choses. Les choses les plus belles de ce film sont aussi les plus simples, celles que le monde génétiquement modifié de Bienvenue à Gattaca n’a pas pu pervertir : un lever de soleil se reflétant sur une mer de miroirs géants, des vagues sur la plage... Cette esthétique de la simplicité est notamment visible grâce à deux éléments  importants : les costumes et le décor.


1.1. Les costumes : à la Chapeau melon et bottes de cuir.
Il est intéressant de constater que les costumes relèvent carrément plus de la mode élégante des années 50 (surtout de la mode présente dans les films noirs inspirés des polars!) que d’une quelconque excentricité vestimentaire du futur. Les hommes portent des complets très sobres et sombres (nuances de gris, de noir et de brun), et les femmes des tailleurs tout aussi circonspects. Les coiffures correspondent également aux années 50, surtout en ce qui a trait aux chignons des femmes (tendance notamment représentée par le personnage d’Irène qui incarne assez bien le code vestimentaire de l’élite féminine). D’ailleurs, les personnages en eux-mêmes pourraient être qualifiés comme des éléments « vestimentaires » représentatifs de cette société si on s’en tient à leur plastique parfaite. Pensons à Irène qui a un corps parfaitement proportionné, de longues jambes et un visage plus qu’agréable. Dans un monde où les parents peuvent choisir l’apparence physique de leurs enfants, il n’y a rien d’étonnant à ce que chaque membre de l’élite soit aussi beau qu’un mannequin. Dans l’univers de l’élite de Gattaca, tout ce qui est différent est banni : les couleurs, les imperfections physiques, la spontanéité. La mode uniforme et les corps parfaits le montrent bien.

  
1.2. Le décor : l’aseptisation de l’individu.
L’ambiance des années 50 est premièrement et avant-tout un produit des décors. Ceux-ci présentent une architecture lisse et épurée de tous caractères artistiques et humains, d’une logique structurale épatante d’ingéniosité, mais effrayante par son manque de chaleur. Il n’y a qu’à penser aux champs de miroirs capteurs d’énergie solaire qui semblent avoir remplacés toutes formes de végétation. La nature semble d’ailleurs avoir été totalement éradiquée. Les couleurs froides, glaciales et métalliques frappent aussi par l’inhumanité qu’elles projettent sur l’écran. Les nombreux retours en arrière du film, moments marqués par un filtre de couleurs jaunes iridescents nimbant chaque élément du décor, s’inscrivent aussi dans cette tendance en évoquant des sentiments d’irréalité et de souvenirs nébuleux. La chaleur qu’apportent ces quelques scènes de nostalgie mettent encore plus en évidence, grâce à ce contraste, le manque d’humanité qui règne à la grise Gattaca. Aussi, les nombreux accessoires du décor aide à façonner cet univers rétroactif. Par exemple, les voitures sont de vieux modèles qui ont été modifiés pour leur donner un air futuriste, ce qui leur donne une crédibilité effrayante par le rapprochement qu’il est possible de faire avec les voitures de notre époque. C’est ce rapprochement que l’ambiance passéiste exerce tout au long du film : il rappelle ainsi que ce monde n’est pas si éloigné du nôtre, et pourrait fort bien être notre demain. Après tout, le film ne commence-t-il pas par une inscription en incrustation dans le paysage nous indiquant que cette histoire se situe dans un futur rapproché? Quelques éléments bien placés nous indiquent que cette histoire n’est pas encore arrivée : l’énergie solaire en tant que source d’énergie primaire, les technologies d’analyse de l’ADN qui sont plus avancées que les nôtres, et l’escalier de Jérôme Morrow, nargant les personnages avec sa forme hélicoïdale imitant le brin d’ADN, rappellant sans cesse que les gènes sont le fondement même du monde, et la seule façon convenable de s’élever socialement. Bref, l’atmosphère rétro reflète un « futur passéiste en quelque sorte retranscrit dans un conformisme architectural monolithique, une perspective éloignée des habituelles œuvres avant-gardistes que les réalités temporelles finissent par rattraper, creusant du même coup un fossé entre anticipation et réalisation 2».

  
2. Le sentiment de la caméra
Niccol, qui réalise ici son premier long-métrage, manie comme un maître la caméra et les émotions. Les nombreux plans techniques adoptés par la caméra permettent de retranscrire la gamme des émotions de façon encore plus profonde que le jeu des acteurs lui-même (qui font pourtant ici une interprétation exceptionnelle). Si on rajoute à cela une musique (de Michael Nyman) envoûtante et saisissant à la perfection le caractère intrinsèque du film, il est possible de dire que Bienvenue à Gattaca réussit le pari de retranscrire un monde où  le public peut se reconnaître. Pour ce point de l'analyse, par souci de concision, une seule séquence du film sera analysée, la finale, puisqu’elle présente une intensité dramatique soutenue par une technique parfaite qui révèle assez bien le mode de fonctionnement du film.

2.1. Le décollage vers Titan
Sur une musique d’une beauté dramatique s’entrecoupent deux histoires : celle de Jérôme qui grimpe à l’intérieur de son brûleur domestique à déchets, et celle de Vincent qui monte à l’intérieur de la navette spatiale. Pour l’histoire de Jérôme, la caméra est placée à l’intérieur du brûleur : elle l’accompagne dans ce qui s’avère être son suicide. Elle filme en plan rapproché épaule le personnage qui met sa médaille d’argent en un geste solennel. Mais l’histoire de Vincent, que la caméra suit en plan américain de dos alors qu’il s’embarque pour son voyage interstellaire vient rapidement se joindre symboliquement à la première. La porte de la navette se referme en même temps que celle du brûleur à déchets. Le déclenchement de ce brûleur produit des flammes impressionnantes qui sont aussi celles de la navette spatiale. Filmé de l’extérieur du brûleur, un gros plan, puis un très gros plan sur la médaille d’argent qui fond dans les flammes fait bien comprendre que Jérôme meurt dans son auto-immolation. Quant à Vincent, il est assis dans la navette, ému très profondément par son rêve qui se réalise. La caméra, dans un travelling, montre dans un gros plan différents visages. Ce sont les gens qui accompagent Vincent dans son rêve : un homme noir, un homme asiatique, un homme caucasien, une femme asiatique. L’avenir d’un monde génétiquement modifié ne se détermine plus par la couleur de la peau ou le sexe des individus : il n’y a que le contenu du sang et les capacités qu’il permet qui compte. Uniquement ? Non, car Vincent est bel et bien dans la navette. Il ne porte plus ses verres de contact, il a les yeux qui brillent devant sa vie : il est enfin  lui-même. Il ouvre le cadeau que Jérôme lui a donné, une simple mèche de ses cheveux. Symbole de tout ce qu’il a traversé. Symbole de la seule chose qui compte dans ce monde (l’ADN). Symbole de la folie de Jérôme qui ne vivait que par procuration, qui se faisait une mission d’aider Vincent dans son rêve en passant des journées entières à récupérer chaques petits éléments de son corps qui pouvaient servir (peaux mortes, sang, urine, cheveux, etc). Et ces éléments sont désormais tout ce qui reste de lui. Puis, en voix off (non-acousmatique), Vincent prononce les dernières paroles du film — qui sont aussi les seules paroles de cette scène dont les émotions sont exprimées par la musique : « Pour quelqu’un qui n’avait jamais été fait pour ce monde, je dois avouer que j’ai soudain du mal à le quitter. Bien sûr, on dit que chaque atome de notre corps faisait autrefois partie d’une étoile. Peut-être que je ne pars pas. Peut-être que je rentre chez moi ». Ce discours prend tout son sens : le gène ne fait pas l’esprit. L’acquis a autant d’importance que l’inné. Enfin, la musique monte d’un ton, un travelling avant montre le cosmos et les étoiles, et le film se termine sur cette dernière image de l’univers. La beauté de la photographie, la musique sublime, les décors froids et métalliques, et les personnages symboliques de cette scène finale reflètent bien l’esprit entier du film : « Gattaca évoque, par le biais d’une somptueuse photographie, une beauté froide aux arrêtes vives, vide de tout sentiment authentique3 ». Sauf pour celui qui a décidé de vivre son rêve. Cette fin est une des plus belles du cinéma de science-fiction.


En conclusion, Bienvenue à Gattaca s'inscrit dans le genre du cinéma d’anticipation dystopique, et transmet un message grâce aux traitements qu’il fait entre l’idéologie et les techniques cinématographiques. L'esthétique froide montre combien ce monde génoïste est insensible, mais sa musique et son traitement modeste d'une situation paraissant insurmontable en font un film très humain, très beau, et surtout, marquant. Un des meilleurs films d'anticipation selon moi, et le plus réussi sur le plan visuel et musical.

Références
1- GROLLEAU, Frédéric. « Bienvenue à Gattaca (dvd) », LHDM, [Site web] http://www.webzinemaker.com/admi/m1/page.php3?num_web=1489&rubr=2&id=40936
2- [ANONYME]. « Bienvenue à Gattaca », Cinéma fantastique, [Site web], http://www.cinemafantastique.net/film1124,Bienvenue-a-Gattaca.htm
3- GROLLEAU, Frédéric. « Bienvenue à Gattaca (dvd) », LHDM, [Site web] http://www.webzinemaker.com/admi/m1/page.php3?num_web=1489&rubr=2&id=40936

jeudi 17 février 2011

The Blues Brothers - par John Landis

Fiche Technique
Réalisation : John Landis
Scénario : Dan Aykroyd et John Landis
Musique : Ira Newborn et Elmer Bernstein
Société de production : Universal Pictures
Date de tournage : 1979
Avec : John Belushi et Dan Aykroyd, mais aussi James Brown, Ray Charles, Cab Calloway, John Lee Hooker, Carrie Fisher, Kathleen Freeman, Aretha Franklin, Steven Spielberg et Frank Oz.

Synopsis (source)
À peine sorti de prison, Jake et son frère Elwood se lanceront dans une quête divine pour sauver un orphelinat. Pour se faire, ils devront réunir une gigantesque somme d'argent, regrouper leur bande d'antan et bien entendu éviter le déploiement total des forces de l'ordre de l'état de l'Illinois, rien de moins.

Un groupe et un film culte
The Blues Brothers, un film de mon enfance que j'ai pris plaisir à redécouvrir un après-midi où une grippe me gardait au lit.

Les Blues Brothers, ce sont à l'origine des musiciens, Dan Aykroyd et John Belushi, qui ont l'idée de former un groupe pour l'émission Saturday Night Live. Au fil du temps, ce groupe humoristique (la drôlerie vient du contraste entre les costumes sobres et sérieux, voire évoquant la mafia, et les pas de danse enjoués et rythmés) fut reconnu comme étant l'un des plus célèbres groupes de blues et de musique soul.

Le film retrace la création fictive de ce groupe, selon un bon melting pot de comédie musicale, d'humour et de scènes d'action délirantes, qui lui ont valu le statut de film culte. Parce qu'il vient chercher en nous la fibre de l'enfant qui aime voir des accidents de voiture. Parce qu'il y a de grands noms de la musique et du cinéma au casting pratiquement parfait. Parce que les dialogues courts et absurdes se révèlent être d'une rare efficacité. Parce que... bien, même si ce n'est pas un grand film, on adore, tout simplement.

Pour donner (ou redonner) un avant-goût des Blues Brothers, la scène (suis-je obligée de dire culte?) de  l'arrestation d'Elwood, de la fuite-poursuite dans le stationnement puis dans le centre d'achat.


Elwood : Ah merde!
Jake : Quoi?
Elwood : Les flics.
Jake : Non!?!
Elwood : Si.
Jake : Merde.

lundi 14 février 2011

Philadelphia - par Jonathan Demme

Réalisation : Jonathan Demme
Année : 1993
Avec : Tom Hanks, Denzel Washington, Antoni Banderas, Jason Robards

Synopsis (source)
Sans raison valable, Andrew Beckett (Tom Hanks), avocat prometteur, se retrouve mis à la porte des plus prestigieux cabinets d’avocat Charles Wheeler (Jason Robards) de Philadelphia. Alors que durant la veille, Andrew se voyait confier l’affaire la plus important du moment par le comité de direction, ce dernier porte de fausses inculpations à son égard. Porteur du virus HIV et de quelque tâche indiquant sa maladie, Andrew comprend peu après ce qui a poussé ses employeurs à le licencier. Cette discrimination l’amène a demander les services de son concurrent et néanmoins brillant confrère Joe Miller (Denzel Washington). C’est ainsi qu’un procès palpitant commence à prendre toute son ampleur.

Mon appréciation
Philadelphia fait un peu écho à ce que je disais dans le précédent billet sur la difficulté de présenter des sujets tabous à l'écran dans un film grand public. Au début des années 1990, le sida et l'homosexualité étaient encore tabous. On les représentait au petit et grand écran comme des travestis, des excentriques, des effiminés, point à la ligne. Demme, le réalisateur de Philadelphia, a voulu montrer la communauté gaie sous un autre jour, un jour « normal ». Sauf que, et je ne reproche que cela au film, on sombre ici dans un autre extrême : les homosexuels deviennent des victimes presque sans reproche et impeccables. La logique voudrait plutôt qu'on les montre comme des humains ordinaires, c'est-à-dire avec forces ET faiblesses, qualités ET défauts.
Bon, j'imagine que l'époque poussait à cet extrême. Cette notion de discrimination positive donne au film un côté un peu maladroit, un peu trop fleur bleue, et même, mélodramatique.

C'en est tout pour la défauts. Parce que Philadelphia reste avant tout un film qui a marqué les années '90, tant en ce qui concerne l'interprétation des acteurs que les thèmes sociaux abordés : on dit que Philadelphia fit progresser les mentalités, montrant aux gens que les homosexuels et les sidéens sont des êtres humains, et non des lépreux qui n'attendent la lapidation que dans l'espoir d'être guéri de leur anormalité. Il y a des lois contre les discriminations, et elles doivent être respectées coûte que coûte, comme le stipule la Déclaration de Philadelphie en matière de droits au travail. Ce n'est pas un hasard si l'histoire se déroule dans cette ville. Le symbole fortifie et soutient la thèse du film, la tolérance, qui est traitée de manière admirable à travers le procès d'Andrew Beckett. Mais, dans les faits, ce qui en vaut le plus la peine, c'est la performance des acteurs. Récompensé aux Oscar, au MTV Movie Awards et au Golden Globe pour son jeu, Tom Hanks offre un des plus grands rôles de sa carrière. L'interprétation de Denzel Washington dans son rôle d'avocat macho et homophobe, mais néanmoins soucieux des lois, est parfaite dans ce rôle de soutien. À noter la présence d'Antonio Banderas dans un de ses premiers rôles hollywoodiens. Discret et charmant, mais efficace.

Il n'y a peut-être que moi qui adore ce genre de truc, mais les jeux de focalisation parcourant le film en valent le détour. Vous savez, ces petits angles de caméra qui montrent ce que le personnage voit, se mettant de son point de vue, ou presque? Voici une scène importante du film, (en anglais, désolée! C'est la faute à Youtube) vers la fin, à peu près tournée entièrement de cette façon. *Donc, spoilers, attention!*


Donc, pour résumer en quelques lignes :

Points négatifs
* Les homosexuels sont présentés comme des personnes presque sans défaut, et non comme des humains ordinaires
* Un peu de maladresse qui donne un ton... mélodramatique.

Points positifs
* Le film a eu un impact important sur les mentalités entourant le sida et les homosexuels
* Le film s'est mérité plusieurs grandes distinctions
* La réalisation est admirable
* La performance des acteurs vaut son pesant d'or
* Les jeux adroits de caméra donnent beaucoup de profondeur au film
* Tom Hanks, Antonio Banderas et Denzel Washington sont, mesdames, une raison à elle seule de regarder Philadelphia. ^^

samedi 12 février 2011

Le sexe des étoiles - par Paule Baillargeon

Fiche technique
Réalisatrice : Paule Baillargeon
Scénariste : Monique Proulx d’après son propre roman
Producteurs : Jean-Roche Marcotte et Pierre Gendron pour Téléfilm Canada
Année : 1993
Avec : Marianne Coquelicot Mercier, Tobie Pelletier, Sylvie Drapeau, Denis Mercier et Luc Picard.

Résumé (source)
Camille, 12 ans, passionnée par les étoiles, scrute le firmament en implorant le retour de Pierre-Henri son père, dont elle est sans nouvelles depuis cinq ans. Un soir, le père mythique revient... en se présentant sous le nom de Marie-Pierre. Michèle, la mère de Camille, pour qui ce fantôme du passé ravive une immense douleur, essaie en vain de s'interposer. L'adolescente, refusant la transsexualité de son père fera tout en son pouvoir pour le ramener à son identité d'homme, inconsciente de la détresse croissante et du déchirement que vit Marie-Pierre. À l'aide de son copain Lucky, Camille choisira sa voie.

Vous vous souvenez, il y a quelques semaines, j'ai parlé avec passion du roman de Monique Proulx, Le sexe des étoiles? Hé bien, j'ai assisté à une projection publique du film la semaine passée. Euh que dire, si ce n'est que parfois, un chef d'oeuvre littéraire ne devrait jamais être adapté à l'écran...

Les difficultés de l'adaptation : le tabou passe mieux à l'écrit qu'à l'écran

Le roman explore des thèmes tels l’identité sexuelle, l’homosexualité refoulée, le travestissement, la prostitution juvénile et masculine ou l’impuissance sexuelle, vous savez, ces thèmes que certains considèrent être tabous? Bien, le film décide de ne pas trop en parler, voire d'éviter totalement quelques sujets. Oui, il y a une totale différence idéologique entre les deux oeuvres. Le fait est que l'adaptation filmique s'adresse à un large public - elle veut donc moins choquer les éventuels spectateurs.

Déjà, plusieurs éléments du livre ne furent pas adaptés dans la version cinématographique, ce qui change totalement la perception que les gens peuvent avoir du récit. Dans le livre, il y a plusieurs narrateurs. Mais le film s’axe sur Camille, uniquement. Il devient le récit de la petite fille qui devient une jeune femme. L’écrivain impuissant et infertile et la recherchiste en pleine crise existentielle ne sont pas là. L’angle devient donc totalement différent du roman. Cela peut s’expliquer par le fait que le film se veut assez pudique. Il traite de l’identité sexuelle sans trop en parler, et même, sans trop la montrer.

Denis Mercier dans le rôle de Marie-Pierre
Le choix des acteurs est intéressant à regarder de plus près. Le rôle de la transsexuelle, Marie-Pierre, fut offert à Denis Mercier. C’est donc un homme travesti, et non une véritable transsexuelle ou une femme qui interprète le personnage clé du film. Il est toutefois surprenant de constater que Denis Mercier se travestit de façon ridicule pour son personnage : cheveux remontés et frisés à la façon « vieille dame », boucles d’oreille à pince, robe recouvrant tout le corps... Alors que le roman décrit Marie-Pierre comme étant une belle rousse très sensuelle, très à l’aise dans le fait de montrer son corps (en fait, elle ADORE se montrer sous toutes les coutures). La différence est donc flagrante. Cela peut s’expliquer par le fait que le look de Denis Mercier, que l’on appelle communément « de matante » pour utiliser un langage familier, choque ainsi moins les gens que si le personnage se montrait sexy et provocant, voire, exhibitionniste. Aussi, les acteurs jouant Camille (Marianne Coquelicot Mercier) et Lucky (Tobie Pelletier) ont une apparence assez androgyne. On peut voir ce choix de façon très positive puisqu’il symbolise et reflète à l’écran l’identité sexuelle trouble de Marie-Pierre. C’est une chose que le roman ne peut pas faire, mais que le cinéma populaire peut exploiter sans trop de risques (il faut le perçevoir ledit symbole).

L’humour est assez présent dans le roman, puisqu’il joue avec l’humour noir, l’ironie et « le rire à la fois franc et jaune ». Le film, lui, utilise le registre dramatique. Il y a malgré tout une certaine présence d’ironie, mais de façon très éparse. Cela peut s’expliquer par le fait que le drame diminue le tabou entourant le sujet, le rendant « grave », « lourd » et « triste ». Cela aide à le faire accepter, dans le sens où il devient une sorte de sujet « pour pleurer » et avoir de la compassion. De plus, l’atmosphère sombre présente dans le film — symbole du bouleversement ambiant — soutient aussi le côté dramatique. Il y a en effet peu d’éclairage. De fait, elle est ciblée, parlante : elle représente l’intériorité des personnages. En bon enfant, plus l’individu est tourmenté, plus l’obscurité l’entoure. À l’inverse, la lumière des étoiles semblent représenter l’espoir et la beauté. Aussi, les décors sont aussi sombres que l’éclairage, car l’on montre le gris, le noir, ou plus exactement, les bas-fonds montréalais. Cela participe à établir une ambiance dramatique, malsaine lors de certaines scènes « choquantes » (le club des travestis par exemple). Par contre, cette noirceur rend certaines autres scènes magnifiques : quand Camille observe les fameuses étoiles ou quand Marie-Pierre se rapproche de sa fille.

Mariane Coquelicot Mercier (à gauche) et Tobie Pelletier (à droite)
Le langage est un autre facteur de censure du tabou. Après tout, le langage peut choquer les gens avec facilité s’il est vulgaire, violent ou déplacé, voire revendicateur. L’adaptation cinématographique a donc fait attention aux propos qu’elle propose. Ainsi, le langage de Marie-Pierre diffère de celui du roman. En effet, l’oeuvre écrite de Monique Proulx proposait plusieurs registres de langues. La transsexuelle pouvait alors s’exprimer autant comme un grand physicien qui a failli gagner le prix Nobel que comme un travesti-à-la-Michel-Tremblay. Cependant, le long métrage présente un registre différent et unique. Effectivement, Marie-Pierre ne s’exprime que selon un registre neutre, voire soutenu. Comme l’homme que l’on présume qu’elle était avant l’opération : éduqué, bien élevé, pas vulgaire, jamais déplacé. Aucun propos obscène ne vient troubler le public. Les dialogues, quant à eux, font preuve d’une grande maladresse. En effet, la scénariste (Monique Proulx) a dû faire un choix entre oraliser le roman ou retranscrire les mots du livre tels quels. Cependant, elle n’a pas semblé choisir, mélangeant ces deux options. Cela donne un dialogue qui fait décrocher le spectateur. Ce qui, en un sens, rend le sujet du film moins tabou : il devient difficile de prendre les propos au sérieux. Ainsi, Camille qui apparaît comme une enfant surdouée — un grand génie — dans le roman, s’exprime de manière enfantine dans l’adaptation cinématographique. À moins que cela ne soit pas dû aux mots mais au jeu (assez étrange...) de l’actrice? Quoiqu’il en soit, le personnage devient moins crédible : comment une enfant pourrait comprendre une situation si compliquée (si adulte), si son intelligence n’est pas largement supérieure à la moyenne des enfants de son âge?

La fin du film permet de mettre l’accent sur le véritable tabou de l’histoire : le trouble de l’identité sexuelle. Voir Marie-Pierre portant des vêtements d’homme et acceptant l’argent proposé par Michèle soulève de nombreuses interrogations. Est-ce pour rendre la fin plus accessible au public, en ne le choquant pas devant l’affirmation de l’identité sexuelle de Marie-Pierre? Ainsi, on ne propose pas que la transesxualité soit acceptable, ou même, une voie pour atteindre le bonheur. Est-ce plutôt pour montrer le ridicule du refus que Marie-Pierre soit une femme? De la voir vêtu comme un homme donne un choc. Cela peut même sous-entendre que Marie-Pierre n’est pas faite pour redevenir et être un mâle. Et faire ainsi comprendre avec subtilité au public que Marie-Pierre restera une femme. Une autre interrogation est soulevée par la fin. Est-ce vrai que Marie-Pierre s’est trouvé en emploi dans un laboratoire? Rien ne le laisse supposer ou infirmer. Cette fin accentue en ce sens le tabou puisqu’elle évite d’en parler directement. Le film ne montre pas si Marie-Pierre redevient (pas au sens biologique bien entendu, mais au sens social de l’identité sexuelle) un homme ou si elle s’accepte en tant que femme. Le film est sans aucun doute moins subversif que le roman. Il évite de donner une réponse, laissant le spectateur dans le doute. Le laissant même se faire sa propre idée, donc celle qui lui convient peut-être le mieux. Dans le roman, il est clair que Marie-Pierre restera une femme. En fait, la question ne se pose même pas. Marie-Pierre assume son choix, et ce, même s’il lui reste encore du chemin à faire concernant sa vie sexuelle (elle n’est « pas prête »). Le roman n’affirme pas clairement si c’est une bonne chose, mais le personnage le pense. On peut le voir avec sa façon de quitter la ville la tête haute : « elle marchait seule et victorieuse en laissant derrière elle un parfum de créature aérienne, elle s’en allait ailleurs troubler les infaillibles bien-pensants » (p. 328). La tête haute, et Femme.

Marie-Pierre (Mercier), en homme, à la fin de film
En conclusion
En conclusion, on peut affirmer en comparant le roman Le sexe des étoiles et son adaptation cinématographique, que les sujets tabous passent mieux à l’écrit. Cela peut s’expliquer par le fait qu’en littérature, il en va bien souvent tout autrement avec les sujets difficilement accessibles pour le large public, ne serait-ce que par son public plus restreint ou « instruit » (il faut être alphabétisé pour lire). Un roman permet aussi d’explorer la psychologie des personnages en profondeur, de mêler les tons et permet donc la polyphonie de pensées, ce qui peut relativiser les thèmes difficiles.
Ce film devient donc un produit destiné à un large public que l'on ne veut surtout pas choquer, alors que le roman portait en lui un potentiel immense, à la fois de comédie, de drame et de profondeur. Des situations comme celle-là montre bien les dangers des adaptations lorsqu'on veut faire des choix idéologiques qui lisseront l'histoire jusqu'à lui faire perdre son âme. On perd la substance même de la raison d'être de ce récit pour ne devenir qu'une soupe sans saveur que l'on oublie aussi vite qu'on l'a ingurgité. Et c'est dommage quand on voit jusqu'à quel point le roman marque la mémoire, nous poursuivant durant plusieurs jours.Il y a des ces oeuvres, sans doute rares, que l'on ne devrait soit pas adapter, soit ne pas faire reposer la campagne publicitaire sur le fait que la scénariste est la même que l'auteur du livre. Cette deuxième option créer un horizon d'attente beaucoup trop différent que ce que la réalité propose. De toute façon, le film en lui-même, même sans la comparaison au livre, est un produit fini assez ridicule et trop pathétique pour que ces émotions nous touchent plus de deux minutes. L'éclairage donne une fausse impression de profondeur, l'histoire devient irréaliste par sa façon de ne vouloir choquer personne, la fin rassure les bien-pensants au lieu de remettre le système de pensées en question, le dialogue refuse de croire en lui-même, et le jeu des acteurs est trop suspects, trop théâtrale pour le cinéma. Bref, c'est à se demander comment un tel film a pu représenter le Canada pour la course aux Oscars en 1994...

mercredi 9 février 2011

Samian


Samian (Samuel Tremblay) est un rappeur métis algonquin dont la musique me touche beaucoup. Endormie lors de mon enfance par les ballades folk rock de Kashtin, j'ai toujours baigné timidement dans la musique des Premières Nations. Toutefois, lorsque je visionnai le clip Les Nomades pour la première fois, je pressentis à l'instant son succès futur. Le petit gars de Pikogan fait preuve d'un grand talent tant musical que poétique. Mieux : il rappe autant en français qu'en anishinabe. Et cela, on adore.

Pour les curieux et les ouverts d'esprits, voici des chansons que j'écoute souvent en boucle sans jamais me lasser.

Les Nomades, duo avec Shauit
La Paix des Braves, duo avec Loco Locass
Sur le dos d'une tortue, duo avec Florent Vollant
Pardon Remix, duo avec Anodajay
Tshinanu, avec Kashtin

jeudi 3 février 2011

Loco Locass


Le Rapoésie
Le rapoésie est un genre musical créé au Québec par les Loco Locass qui allient les codes de la poésie contemporaine à la culture rap (déformer pour mieux s'approprier), tout en travaillant la musique grâce à une inspiration pigée partout où c'est possible. Pour créer leur musique, les membres du groupe jouent donc avec le rap, le sratching, le folklore, le rock, l'oriental, le latino, le jazz, l'électronique, les percussions, etc. Ainsi, le groupe peut se permettre de grands passages instrumentaux dans des chansons qui sont loin que de n'utiliser que les deux mesures traditionnelles du rap.

Le rapoésie est créé grâce à l'amour, celle de la langue française, de la musique, de l'Histoire et de la Culture. Le koubraüss (propos millitants à la façon déroutante de Stanley Kubric) transcende l'oeuvre des Loco Locass, qui propose le langagement comme arme de combat. Ici, les paroles ne sont pas inscrites dans des livrets glissés à l'intérieur de l'album : on publie ses chansons dans des recueils de poésie, reconnus par l'Institution littéraire (pour l'anecdote, l'un des recueils des Loco Locass, Poids Plume, est un best-seller en poésie). Cela permet de voir les chansons sous un autre oeil (il y a tant de jeux de mots et de sonorités!), de les décortiquer à loisir et de les rendre accessibles à plus de gens.

Le rapoésie est aussi un style de musique rassembleur et engageant, puisque les fans peuvent se réunir (dans le virtuel tout comme dans la réalité) afin de discuter des paroles et des nombreux sens et références qui s'y glissent.
L'utilité d'une telle musique? Certainement pas à se péter les bretelles en se croyant les plus forts et les plus cultivés. Non, elle sert à faire vivre la musique grâce aux fans, toujours présumés intelligents, qui peuvent ainsi partager leurs questions et découvertes. Après tout, les Loco Locass aussi recherchent dans les dictionnaires et encyclopédies pour écrire, alors il est logique de faire de même pour comprendre les textes.

Loco Locass a donc créé un style de musique riche en mots et en originalités qui vaut la peine d'être écouté dans ce monde où la musique est parfois si vide.


Au lieu de mettre des liens discrets vers les chansons dans une biographie, j'ai décidé de présenter quelques chansons parmi mes préférés (mais faire un choix fut trop difficile sniff sniff), par albums, en ordre chronologique, d'un seul bloc. J'essaie une façon de procéder différente. J'espère qu'elle ne semblera pas rebutante.

Manifestif (2000)

In vivo (2003)

mardi 1 février 2011

Vertigo - par Alfred Hitchcock

Fiche technique
Titre : Vertigo / Sueurs froides
Réalisateur : Alfred Hitchcock
Avec : James Stuart, Kim Novak
Date : 1958

Synopsis
À San Francisco, John « Scottie » Ferguson (Stuart) est victime de vertiges depuis la chute mortelle d'un de ses collègues policiers. Cet acrophobie le pousse à quitter son emploi. Quelque temps plus tard, une de ses connaissances, Gavin Elster, le contacte pour l'engager dans une enquête privé : celui-ci prétend que sa conjointe Madeleine est possédée par l'esprit de son aïeule. D'abord réticent, Scottie finit par accepter afin de rendre un service à cet ami d'enfance. Mais Madeleine (Novak) le fascinera, au point où il en tombera amoureux...


La réputation
Vertigo reçut le titre de trésor national aux États-Unis grâce aux prises de vue de San Francisco. Les cinéphiles du monde entier, quant à eux, le classent parmi les meilleurs films de tous les temps. C'est aussi durant le tournage de ce film que M. Hitchcock inventa la technique du travelling compensé, dit aussi « effet vertigo ».


Mon appréciation
Il sera toujours difficile pour moi de faire une véritable appréciation d'un classique dont tout a déjà été dit. Mais parfois je deviens plus loquace à propos de certains films. Je vois plein de détails devant mes yeux, mon cerveau regorge de trop d'idées à la fois, et je suis obligée d'écrire une liste pour démêler tout cela. Voici donc ma petite liste « des raisons pour visionner ce film au moins une fois dans sa vie ». Je vous préviens, je dévoile des moments clés, alors ne le lisez pas si vous vous réservez la surprise.

Les plus

Les magnifiques prises de vue de San Francisco montrent cette cité sous son plus beau jour, et ce, même lors des moments de tensions ou de crises. Cela confère au film un visuel de toute beauté!





L'utilisation des couleurs primaires en tant que miroirs des personnages changent totalement l'aspect à la fois visuel et psychologique du film. Par exemple, le vert se rattache au passé, et le gris signale l'étrangeté dans cet univers.



Ou bien l'extraordinaire scène du rêve dont les couleurs reflètent l'intériorité de Scottie, en plus de procurer un sentiment de vertige angoissant.





Le côté psychanalytique, bien que repoussant dans la majorité des histoires, offre ici tout son double sens au film. En effet, Vertigo raconte avant tout le récit d'un nécrophile : Hitchcock le confia à Truffaut lors d'un entretien notoire. Scottie ne se repaît d'aucune vie sexuelle - il n'a même jamais connu la femme, une plaisanterie le laisse supposer au début de l'histoire. Et si l'on observe avec attention la scène où il s'évanouit, pris d'un nouveau vertige devant la fenêtre, on peut y voir des croquis de femmes nues. Alors, il n'aime Madeleine que parce qu'il croit avoir affaire à une femme possédée par l'esprit d'une morte. Il ne ressent de l'attirance pour Judy uniquement parce qu'elle ressemble à Madeleine, décédée un an plus tôt.

La subtile influence de Pygmalion permet de faire une mythanalyse profonde de cette histoire. Scottie devient le sculpteur grecque, et Judy (la sosie de Madeleine [Novak] présente dans la deuxième partie du film) se transforme en une Galatée moderne. Scottie veut métamorphoser Judy à l'image de la morte aimée à l'aide de bijoux et de vêtements, et ce, jusqu'à en changer l'intérieur de sa personne... jusqu'à la détruire en réalité, la transformant de fait... en morte.


Les moins

Je me sens mal à l'aise à l'idée d'écrire un billet cent pour cent laudatif, alors voici les caractéristiques considérées plus faibles.

Les longueurs typiques de plusieurs films hitchcockiens font bel et bien partie de Vertigo, surtout lors de la première partie.

Hitchcock réalise un autre film manichéen, où le mal est puni à la fin. On y échappe pas. Sans oublier que pour exporter le film en Europe, Hitchcock a dû se soumettre à une loi européenne en vigueur dans quelques pays du vieux continent qui veut qu'aucun crime ne reste impuni, alors il existe une fin alternative pour répondre à cela (!)

Enfin, le jeu de Kim Novak a déplu à Hitchcock, au point où celui-ci déclara après le tournage avoir « perdu tout intérêt pour le personnage et le film en lui-même ». De fait, il s'agit encore d'une dispute entre le cinéaste et un de ses acteurs, assez courante dans la vie de Hitchcock. Mais je dois avouer que moi-même je n'ai pas été touchée par le jeu de Novak, trop crispée, soumise et inexpressive à mon goût. J'aurais préféré voir une femme détruite, mais résistante un petit peu, comme un cerf blessé. Et une femme expressive, surtout lors des moments de « possession ».


Point controversé

Un élément du film déplaît autant à certains qu'il en satisfait d'autres. Je parle du fameux « secret » que le spectateur connaît dès le milieu de l'intrigue. Pour les détracteurs, cela rend le film morne et sans intérêt. Pour les approbateurs, cela met le film sous une autre perspective pour le spectateur, reconduisant le suspense dans la réaction et les gestes de Scottie qui est maintenu dans l'ignorance dudit secret. À vous de vous faire votre propre opinion là-dessus. ;-)


En conclusion,
Vertigo d'Alfred Hitchcock se classe dans les meilleurs film du cinéaste malgré quelques petits défauts, comme le manichéisme ou quelques longueurs. La beauté de ses images et la profondeur de son sujet en font un classique auprès des amateurs du genre.
C'est le film idéal pour ceux qui désirent découvrir ce réalisateur culte.