dimanche 26 février 2012

L'écume des jours - Boris Vian

Résumé (source)
Chick, Alise, Chloé et Colin passent leur temps à dire des choses rigolotes, à écouter Duke Ellington et à patiner. Dans ce monde où les pianos sont des mélangeurs à cocktails, la réalité semble ne pas avoir de prise. On se marie à l'église comme on va à la fête foraine et on ignore le travail, qui se réduit à une usine monstrueuse faisant tache sur le paysage.

Pied de nez aux conventions romanesques et à la morale commune, L'Ecume des jours est un délice verbal et un festin poétique. Jeux de mots, néologismes, décalages incongrus... Vian surenchérit sans cesse, faisant naître comme un vertige chez le lecteur hébété, qui sourit quand il peut. Mais le véritable malaise vient d'ailleurs : ces adolescents éternels à la sensibilité exacerbée constituent des victimes de choix. L'obsession consumériste de Chick, née d'une idolâtrie frénétique pour un certain Jean-Sol Partre, semble vouloir dire que le bonheur ne saurait durer. En effet, l'asphyxie gagne du terrain, et l'on assiste avec effroi au rétrécissement inexorable des appartements. On en veut presque à Vian d'être aussi lucide et de ne pas s'être contenté d'une expérience ludique sur fond de roman d'amour.

Mon appréciation
Comme les études ont repris leur cours normal, et que j'ai donc moins de temps pour écrire de nouveaux billets, voici ma présentation d'un de mes livres préférés à vie, que je classe haut la main parmi mon top 10 personnel de mes meilleures lectures, rien de moins : L'écume des jours, écrit par le fantastique et multidisciplinaire Boris Vian. :)

L’imaginaire de Boris Vian
Boris Vian (1920 - 1959), un artiste aux multiples talents. Écrivain, poète, dramaturge, parolier, musicien (de trompette), chanteur, critique, traducteur, scénariste, acteur, peintre et même ingénieur, il a touché à de nombreux métiers. Mais Vian est un de ces rares artistes à avoir un « style » propre qui le rend immédiatement reconnaissable auprès du public, et ce, peu importe sous quelle forme il présente son art. Dans ses romans, on identifie cet auteur avec facilité, et ce, même s’il explore des « idiomes » différents dans ses récits. Ses jeux de mots et son imaginaire à la fois candide et cruel ont fait sa réputation de grand écrivain en avance sur son temps. Ces jeux et cet imaginaire sont très présents dans son roman L’écume des jours (1946).

Dans son avant-propos, Boris Vian qualifie son histoire de « vraie puisque imaginée ». Écrivain à la plume non-réaliste, Vian préfère en effet faire travailler son imaginaire dans L’écume des jours. Il situe une banale histoire d'amour dans tableau étrange, poétique et totalement imprévisible.

I. L’ambiance onirique et remplie de poésie
Ce qui frappe d'abord, c'est l’ambiance onirique et poétique est annoncée dans l’avant-propos par Boris Vian :
« Sa réalisation matérielle proprement dite consiste essentiellement en une projection de la réalité, en atmosphère biaise et chauffée, sur un plan de référence irrégulièrement ondulé et présentant de la distorsion ».
Ceci se retrouve effectivement tout au long de L’écume des jours dans les images poétiques présentes dans l’écriture de Vian. Par exemple, on y retrouve des phrases telles : « il pinça vigoureusement l'extrémité d'un rayon de soleil qui allait atteindre l’œil de Chloé ». Ce genre d’image plonge le récit dans une ambiance onirique où rien ne semble réel, mais où, pourtant, tout a une logique, dans la mesure où le monde créé dans L’écume des jours se tient. En effet, tout y fait sens pour les personnages puisque nul ne semble surpris de l’étrangeté de cet univers. Aussi, certaines images dépassent le stade de la narration, pour s’inscrire au coeur même du récit. Par exemple, Chloé est atteinte d’un nénuphar au cœur (!). Ces images sont avant-tout des créateurs d’ambiance avant d’être des métaphores ou des symboles. C’est la description du quotidien des personnages, d’un quotidien merveilleux et poétique.

II.  Le jazz
La musique jazz, dont Vian était féru, donne une atmosphère à l’ensemble du roman, un peu d'après-guerre, un peu sensuelle, sans cesse empreinte de poésie et pleinement jeune. Le fond de jazz permet de lire le livre comme on écoute un morceau de musique. Boris Vian a d’ailleurs écrit son manuscrit en s’inspirant de la musique de Duke Ellington, un jazzman qui est cité dans le roman lorsque Colin demande à Chloé : « [ê]tes-vous arrangée par Duke Ellington ?» Ce moment du récit permet de voir Chloé comme une partition sur laquelle l’auteur improvise comme on improvise le jazz. Et si la femme et la musique se confondent, il en va de même des décors. Par exemple, il existe un moment dans le récit où, sous la pression d’une chanson, la chambre carrée des héros devient ronde!

III. La présence des objets vivants
L’écume des jours présente aussi un monde où les objets prennent vie. Ceux-ci sont tout d’abord vivants au sens biologique du terme. Certains agissent comme une plante, comme le carreau brisé de la fenêtre qui repousse. D’autres possèdent de mauvaises intentions, comme la cravate étrangleuse. C’est qu’ils participent à la vie du  roman, sans intention morale. Les objets ont donc des fonctions biologiques et des intentions psychologiques. Ils peuvent aussi participer à la vie en se « collant » à celles des personnages. Par exemple, la chambre rapetissent en même temps que Chloé agonise...
On peut même dire que les objets changent, et ce, contrairement aux personnages qui n’ont pas d’évolution psychologique. Boris Vian s’emploie donc à créer un monde où les choses muent selon la constance ou les changements de la vie, puis meurt sans rien demander en retour. Par contre, les gens, à l'image de leur sentiment aussi froid et dur que le fer glacé, restent immuables (relativement). Les objets vivants participent donc à créer ce monde fantastique, absurde, étrange et illogique.

IV. Les jeux de mots
Boris Vian laisse aussi l’imaginaire s’exprimer sous une forme différente dans ce roman, son deuxième : il laisse en effet les mots en faire à leur tête. Présents dans les jeux langagiers, les mots ont un potentiel imaginatif assez grand chez Vian, et surtout dans L’écume des jours où ils évoluent dans un monde à part. Les jeux de mots sont d'ailleurs, à mon avis, le principal intérêt de ce roman. En voici quelques uns que j'aime beaucoup : on prend les mots au pied de la lettre, en s’excusant de ne pas pouvoir aiguiser une « pointe d’ail » (p. 10) et on émeut les gens en les « pass[ant] à tabac de contrebande » (p. 159) ; on leur fait subir de légères déformations telles « bedon » (p. 170) au lieu de bedeau ; on en crée de nouveau, comme le « pianocktail » (p. 12), qui est un piano permettant de boire la musique. Ces manipulations langagières permettent de faire naître un monde merveilleux où se confondent sens et réalité, angoisse et merveilleux.

En conclusion
Bref, l’ambiance onirique et poétique crée des images frappantes qui influencent l’histoire en la plongeant dans le merveilleux. Le fond de jazz du roman permet de lire le livre comme on écoute une musique. Les objets, quant à eux, en devenant vivants, en participant à la vie et en se transformant, créent un monde aux règles fantastiques. Quant aux jeux de mots, il se révèlent d'une grand créativité et font tout l'intérêt du récit.

jeudi 16 février 2012

Fahrenheit 451 - par François Truffaut

Réalisé par François Truffaut ; Produit par Lewis M. Allen ; Basé sur le roman de Ray Bradbury ; Son par Norman Wanstall ; Musique par Bernard Hermann ; Sorti en 1966
Avec Oskar Werner et Julie Christie
La bande-annonce

Synopsis
Dans une ville imaginaire, à une époque indéterminée, des pompiers chargés de représenter l’autorité et l’obéissance aveugle aux lois traquent ceux qui lisent et possèdent des livres. Dans ce monde totalitaire, où le désir et tout ce qui l’amorce est interdit, règne un culte de l’audiovisuel et un conformisme ambiant. L’histoire de ce film ne concerne pourtant non pas un résistant de ce système, mais un pompier prometteur, du nom de Montag, qui fait la connaissance de Clarisse, sa voisine (une anticonformiste). Un jour, celle-ci lui demande s’il est heureux. Cette question, à première vue anodine, entraînera Montag dans une remise en question de lui-même qui le poussera, non seulement à être dégoûté de son mode de vie avec sa femme Linda, mais aussi à lire un livre...


Mon analyse d'un monde sans lecture (contient des spoilers)
Je vous offre un point de vue personnel sur un de mes films favoris : Fahrenheit 451, une adaptation de François Truffaut datant de 1966 inspiré par le roman de Ray Bradbury. L'histoire d'une société qui interdit la lecture...

1. Tabula rasa
Fahrenheit 451 dépeint une société qui a renié son passé : elle brûle la sagesse et la mémoire des ancêtres contenues dans les livres ; elle se coupe de sa propre enfance en considérant les enfants comme des êtres indésirables nuisant au travail et à la vie de couple – bien que nécessaires à la perpétuation de l’espèce humaine – ; elle aseptise les désirs, source des rébellions, en encourageant les gens dans leur propre narcissisme (tout au long du film, les gens font preuve d’un autoérotisme déconcertant – pensons à la jeune fille qui embrasse son reflet sur la vitre du tramway, à la dame qui caresse son manteau de fourrure ou à Linda qui touche beaucoup à sa poitrine et à ses épaules). En plus de faire table rase de son passé, elle nivelle son présent afin de s’assurer que nul ne dérange l’ordre établi. Pour cela, elle se sert de l’audiovisuel. La télévision, à la base objet de transmission de la connaissance, un véhicule de la tolérance et du partage des valeurs, devient ici un objet d’abâtardissement intellectuel, une machine de l’intolérance envers les différences, et qui impose qu’une seule et unique vision du monde à ses fidèles téléspectateurs.

Linda et ses amies se divertissent ensemble
2. Une science-fiction revisitée
En plus de montrer ce monde sans Histoire, Fahrenheit 451 déconstruit les codes du genre cinématographique dans lequel il s’inscrit : le cinéma d’anticipation. En effet, ce film ne présente ni de « vilains méchants » contrôlant impunément et ouvertement le monde ni une pléthore d’appareils futuristes révolutionnaires. Non. Fahrenheit 451 montre plutôt une société où la tyrannie est celle de la ressemblance, une dictature douce qui s’effectue par le vide intellectuel. Son époque est même impossible à situer dans le temps et l’espace puisque aucune indication sur l’époque ou sur le lieu n’est donnée. Fahrenheit 451 est aussi un film aux couleurs chaudes, contrairement aux autres film du genre qui ont des couleurs froides qui évoquent la robotisation. Le monde de Fahrenheit 451 n’exclut pas totalement la nature non plus. Il est même possible d’y voir que la déshumanisation n’y est pas totale. En effet, on peut prendre l’exemple suivant qui montre que les relations entre les humains existent toujours : Clarisse aborde Montag dans le tramway de façon véritablement naturelle, et cela ne surprend personne. Ce film revisite donc la science-fiction en abordant de façon différente le traditionnel style du cinéma d’anticipation. Les points qui seront abordés permettront de montrer comment, d’un point de vue technique, le traitement du genre permet au film de montrer la dictature de ce monde où la lecture est interdite. Pour cela, les costumes, les décors et le son seront analysés.

3. Les costumes : la tyrannie de la ressemblance
Le monde de Fahrenheit 451 est régit par l’uniformisation. Le lois en vigueur dans ce pays ne servent qu’à rendre tout le monde « égal » (il est intéressant de constater que l’emploi de ce mot fait de la différence un facteur d’auto-discrimination sociale de la part de l’individu anticonformiste) : « On doit tous être pareil. Pour être heureux, on doit tous être égaux. Donc, nous devons brûler les livres, Montag. Tous les livres ». C’est ce prétend le capitaine des pompiers, un exemplaire de Mein Kampf à la main. Cette uniformisation générale a un effet très distinct sur cette société : elle empêche d’appliquer les désirs (et, à long terme, finit par les détruire) et anéantit la revendication. La tyrannie de Fahrenheit 451 fait en sorte que tout se ressemble et se répète. Les costumes reflètent cela. Les gens semblent tous suivent la même mode (une mode colorée et géométrique assez proche de celle des années 60, à quelques différences près comme des attaches en velcro sur des robes d’adultes). Les exceptions sont vite réprimandées. Par exemple, il n’y a qu’à penser à cette scène où la cousine Claudette, animatrice de télévision, commente une émission qui montre des pompiers qui attrapent un jeune homme aux cheveux longs et qui lui coupent de force : « Mais certains garçons boycottent encore le coiffeur. Ici une équipe de nettoyage s’occupe d’un de ces je-sais-tout mal coiffés. Tout cela pour vous montrer que le travail de police peut être amusant ». Cette émission télévisée se termine sur des adolescents heureux de leurs coiffures qui les rendent comme les autres. Dans ce monde, tous portent le même genre de vêtements et de coiffures. Toutefois, les costumes les plus frappants sont ceux des pompiers : leur uniforme de travail est en tissu noir très épais accompagné de bottes et de gants en cuir tout aussi noir. Une impression d’autorité et de mort (intellectuelle ?) se dégage d’un tel uniforme. Il est dit, et ce, dès le début du film, que ces habits font généralement peur aux gens. Ils évoquent la loi toute puissante qu’il faut suivre sous peine de réprimande. Ils évoquent l’esprit d’uniformisation qui règne dans ce film.

Montag et Clarisse qui discutent
4. Les décors : rien de concret, si ce n’est la banalité
François Truffaut a fait un choix au moment du tournage. Il voulait faire de la ville où se déroule l’action de Fahrenheit 451 un endroit à la fois familier et étranger pour le public : « Il s’agit de traiter une histoire fantastique avec familiarité, en rendant banales les scènes trop étranges et anormales les scènes quotidiennes ». Et un tournemain habile, il a rendu ce monde, bien que futuriste, impossible à situer dans le temps. En effet, dans cette ère inconnue, les appareils modernes (le tramway « inversé », les téléviseurs muraux, les maisons ignifugées, etc) côtoient des objets aux allures anciennes (de véritables téléphones antiques [à cornets!], les maisons décorées avec des meubles à la mode à l’époque du film, dans les années 60, etc). C’est un véritable catalogue du quotidien de cette société qui nous est exposé. Cela permet de produire un effet de familiarité assez inquiétant. Peut-être que les repères familiers de Fahrenheit 451 nous disent-il que ce monde est plus près de nous que ce que l’on imagine ? Après tout, les héros de ce films et leur univers sont aussi banaux que M. et Mme tout-le-monde. Enfin, presque, puisqu’un objet par-ci par-là vient tout le temps nous rappeler le caractère futuriste de ce film. Quoiqu’il en soit, grâce à cela, Fahrenheit 451 à la force de transporter ailleurs sans faire perdre à l’esprit que cette société pourrait être la nôtre. De plus, l’univers de ce film est aussi impossible à situer dans l’espace. En effet, aucun nom de pays n’est évoqué. Le public ignore où se déroule l’histoire inquiétante de ce peuple à l’autodafé livresque quotidien! En fait, il est possible de se rendre compte du fort accent britannique des personnages. Cependant, dans un absolu, cela ne permet pas de situer cette histoire en Angleterre puisque rien d’anglais ne transparaît dans ce monde stérilisé de toute distinction. Peut-être que cet accent sera celui du monde futur ? Nous ne sommes certain de rien devant cette société sans passé et sans Histoire.... et donc sans identité! En plus de tout cela, il y a une facette du décor qui est fascinante : la nature. En effet, contrairement au code classique de la science-fiction qui consiste à montrer des univers sans végétation (sauf dans le Space Opéra où l’on aime bien montrer des civilisations sauvages sur des planètes lointaines), où l’humain s’est empressé de perdre tous liens avec la nature par crainte de celle-ci. Ici, la nature existe encore. Reléguée au simple statut de beau décor dans cet univers où les apparences comptent pour beaucoup, certes, mais le symbolisme de cela est tout de même à prendre en compte. L’audiovisuel est le nouveau culte, il domine les aspects spirituels, intellectuels, sociaux et familiaux de la vie des gens. Mais ne dit-on pas que des hommes-livres (libres) vivent dans la forêt, quelque part au-delà de la rivière ? En effet, un groupe de rebelles pacifistes s’est installé au coeur des bois, et y vit en toute simplicité. Totale ? Non, puisque ces gens regardent encore la télévision pour se tenir au courant de l’actualité, et communiquent entre eux grâce à des talkies-walkies. Ils conservent donc des objets de communication. Mais le reclus de la société actuelle passe par un retour à la forêt, un retour aux valeurs matérielles primitives (les valeurs humaines n’y sont toutefois pas retrouvées, car le désir physique semble être inexistant en ce lieu où tout le monde marche sans se toucher et se regarder. Il s’agit ici d’une « utopie décharnée »). La nature reste donc à apprivoiser, mais elle n’est pas reniée non plus au sein de la société des hommes-livres.

La société des Hommes-Livres
5. Un film sonore où la parole est interdite
La symbolique de la parole est importante dans ce film puisqu’il s’agit d’un monde où la parole permet de prendre le pouvoir ou de le revendiquer. Truffaut a réalisé un film où la parole n’a aucun pouvoir réel sur les images, mais où elle a a plutôt une fonction dramatique, psychologique informative et affective. Il n’y a qu’à penser au générique d’ouverture du film qui est si surprenant : au lieu de noms visibles à l’écran, un narrateur (en voix off) se contente de nommer ceux grâce à qui ce film a vu le jour, et ce, sur des images surcolorées d’antennes télévisées toutes plus variées les unes que les autres. Ce concept entre dans la logique narrative de ce film qui nous présente un monde où l’écriture et la lecture est proscrite. Ce concept entre le son et l’image, qui fait la cohérence du film, est aussi la grande force de Fahrenheit 451. Pour cela, les effets sonores seront décortiqués sous ses deux principaux aspects techniques : la musique et le son.

5.1. Quelques mots sur la musique
Il est curieux de constater que la musique qui donne vie à Fahrenheit 451 ne ressemble pas du tout à celle plus « traditionnelle » des films de science-fiction, celle avec de froids effets futuristes qui rappellent soit les robots, soit l’espace. Bien au contraire, la bande sonore correspond à la tendance des années 60, moins symphonique et plus « populaire ». Malgré ce désintéressement social à employer de la musique qui s’inscrit dans « la tradition orchestrale romantique européenne », la bande originale du film demeure riche, vivante et caractéristique. Tout cela s’explique par une décision du réalisateur : « J’ai voulu éviter tout dépaysement systématique. C’est pourquoi j’ai demandé à Bernard Herrmann une musique dramatique de type traditionnel sans aucun caractère futuriste ».

Le monorail futuriste
5.2. L’harmonie du son et le l’image
Comme évoqué plus tôt, la cohérence entre le son et l’image fait la force de ce film de Truffaut.
D’abord, il y a deux sortes de « bruits » qui participent à la richesse du film : les mécaniques et les organiques. Les mécaniques réfèrent à tous les appareils technologiques qui servent au caractère futuriste du film. Ils montrent la déshumanisation ambiante qui s’est emparée de ce monde. Il est d’ailleurs intéressant de constater qu’ils servent surtout à donner un rythme et une structure au film. En effet, ils indiquent souvent un événement et permettent des transitions de scènes (ex : la sirène des pompiers indiquent un autodafé futur, le grichement du téléviseur lors de la tentative de suicide de Linda ajoute une tension quasi-inhumaine à l’événement, etc). Les sons organiques, c’est-à-dire plus humains et naturels, voire artisanaux, sont moins fréquents, mais tout aussi importants, puisque cette rareté rend leur introduction plus réaliste (et permet parfois une introduction dramatique avec, par exemple, le bruit des pages des livres qui brûlent). De plus, l’idée de Truffaut de faire de Fahrenheit 451 un film où le fond sonore est très épuré et où les sons entendus sont souvent les mêmes sert à créer un sentiment de contrôle, comme si le totalitarisme de ce monde dirigeait même les bruits. À certains moments, la répétition des sons évoque même un esprit zombifié, en l’occurrence celui des habitants de cette ville soumise à l’audiovisuel. « Vous appelez “ça” la vie ? Vous n’êtes toutes que des zombies. Comme vos maris que vous ne connaissez même plus. Vous ne vivez pas, vous tuez le temps! », s’exclamera même Montag aux amies de sa femme qui ne discutent que de sujets vides de sens devant le téléviseur. À l’image de ces gens qui ont oublié comment réfléchir par eux-mêmes à force d’accepter ce que la télévision leur propose les sons structurent le rythme du film, son espace diégétique et son temps linéraire sous un sentiment de contôle très puissant. Aussi, l’analyse des sons acousmatiques révèlent que la plupart des voix relèvent d’une mise en scène riche en sens. En effet, les bruits dont la source n’est pas visible à l’écran constituent un univers sonore important dans la logique narrative qui veut que les appareils de communication remplacent l’humanité dans ce monde narcissique. En effet, ce genre de sons provient surtout des hauts-parleurs, de la télévision et des téléphones! Quant aux sons qui fabriquent les ambiances extérieures (acousmatiques eux-aussi), ils sont peu nombreux et servent autant à transcrire le réalisme des scènes que des émotions. Par exemple, il y a des chants d’oiseaux qui font penser qu’il y a encore de la résistance face à cet esprit de dénaturalisation de l’espace. Mais, ces chants si rassurants deviennent angoissants lorsque leur absence se fait sentir dans la scène où la vieille dame s’immole par le feu : une scène qui montre l’autorité des pompiers sur la liberté de penser. Aussi, une scène intérieure est intéressante à analyser du point de vue des sons acousmatiques : celle de l’école. L’enfance, thème cher à Truffaut, n’est pas totalement exclue de ce monde qui préférerait s’en passer. La solution trouvée par ce gouvernement pour empêcher l’émergence d’une créativité ou d’une mentalité nouvelle chez ces jeunes esprits pas encore tout-à-fait abâtardisés par la télévision est la suivante : des formules mathématiques et scientifiques ingurgitées de force sans aucune possibilité de développer sa capacité de résonnement derrière cela. Les enfants récitant sans cesse les mêmes tables des multiplications forment le fond sonore de cette scène qui, pourtant, ne montre pas une ribambelle d’enfants dans le cadre de la caméra, mais seulement deux. Cela s’appelle une projection de l’entendu sur le vu, et crée une grande cohérence, encore une fois, entre l’image et le son. 

Les pompiers qui allument les autodafés
Conclusion
En conclusion, une société sans Histoire est sans identité. Ainsi, tout le monde se conforme, puisque nul ne sait vraiment qui il est (ni d’où il vient ni où il va). Fahrenheit 451 montre une société totalitaire où la parole et le désir sont interdit afin que l’ordre se maintienne. Et puisque les livres sont porteurs de messages qui contredisent les valeurs de cette société, ils sont détruit. Montag devra les lire pour se rendre compte que ce ne sont pas eux qui sont subversifs, mais bien l’État et son contrôle. On lui a menti toute sa vie en l’empêchant d’être heureux et accompli. Sa fuite hors de la société montre son désir de renier ce monde, et de recommencer une nouvelle vie.

samedi 11 février 2012

Dérives - de Biz

Je n'ai toujours pas terminé de rattraper mon retard dans mes billets. J'en suis toujours à écrire des billets sur mes lectures du congé de noël! Mais, peu à peu, l'écart se rétrécit, héhé. Bientôt, je serais peut-être à jour, qui sait? ;)

Quatrième de couverture
À la naissance de son fils, un homme sent tomber sur ses épaules tout le poids du monde. Écrasé par le quotidien, réfugié dans son lit, il entre alors en lui et s'engage sur un radeau dans la traversée du marais.

Avec un sens aigu du détail qui fait mouche, le rappeur Biz explore le côté obscur de la vitalité qui nous fait tout voir en noir et souhaiter ne plus jamais quitter le lit, cette embarcation de fortune qui nous permet de sonder le néant de nos dérives.

Biz est membre du groupe rap Loco Locass depuis dix ans.
Dérives est son premier récit de fiction.

Biz, Dérives, Montréal : Leméac, 2010, 93 p., ISBN : 9782760933163

Mon commentaire
Je n'ai jamais caché sur ce blogue toute la fanitude que j'éprouve pour la rapoésie du groupe Loco Locass. Biz, un des trois membres de ce groupe, est l'auteur de ce court roman, lisible par les nouveaux parents entre deux biberons (ou pas!). Écrit avec la même verve poétique que les chansons des Loco Locass, ce roman nous fait plonger au cœur d'une profonde dépression que Biz, à la dérive, a crée au fond de son lit, en catharsis bienfaitrice.

Baby-blues
Dérives, récit à forte empreinte biographique, peut se concevoir comme une explication à un phénomène social au Québec : la désertion du père. Pourquoi tant d'hommes abandonnent-ils leur famille? Et tant d'enfant sans père? Bien entendu, plusieurs explications existent et cohabitent. Des raisons d'ordre sociologiques, patriarcales, historiques, culturelles... Mais une raison n'est jamais évoquée, en grand tabou de la pensée parentale : les enfants ne font pas nécessairement le bonheur. Lors d'une entrevue, Biz a dénoncé le marketing publicitaire derrière les images photoshopées des parents heureux :
[...] il y a un décalage entre le marketing de la parentalité et ce que c'est au quotidien. Dans les magazines, je voyais des pères aux dents blanches, heureux, pas de cernes... C'est comme une annonce de bière, mais avec des enfants! Ce n'est pas ça du tout ce que j'ai vécu!*
Et c'est la désillusion derrière la parentalité que Dérives abordent de plein front. Au moment de la naissance de son fils, Biz souffrait de troubles dépressifs, voire bipolaires. La société semblait lui faire croire que de s'occuper d'un bambin l'aiderait à surmonter cela, mais il n'en fut rien. Changer des couches ne l'a pas rendu heureux. Mais cela n'est pas la faute de l'enfant (ou même de la conjointe) : l'enfant est né dans l’œil du cyclone. Car, à ce moment de sa vie, Biz, tout comme le narrateur du roman, dérivait sur son lit, dans le marécage métaphorique de ses troubles mentaux. La dépression post-partum touche aussi les hommes, contrairement à la croyance populaire. Une maladie qui pousserait peut-être certains hommes à quitter leur famille, à abandonner conjointe et enfants, ces derniers devenant synonyme de douleur plutôt que de joie. Et Biz ne rejette pas la faute à qui que ce soit. Il ne fait que décrire son propre vécu :
Socialement, au Québec, on est rendu là, dit-il. On peut parler de ça. Je n'ai pas du tout écrit un pamphlet masculiniste, je ne parle pas au nom de ma génération, mais je me rends compte que beaucoup de gens se retrouvent là-dedans. Les filles sont intéressées par mon livre pour le donner à leurs chums, pour comprendre ce qu'ils vivent ou ce qu'elles ressentent elles aussi. On excuse plus les pères de ne pas «tripper» sur les nouveau-nés; pour une mère, qui le porte, qui l'allaite, ce doit être beaucoup plus heavy comme pression».*
Dérives, un petit roman poétique qui reflète l'état dépressif d'un nouveau père qui n'arrive pas à trouver le bonheur au quotidien, et qui se réfugie dans son lit afin de dériver dans le marais de ses états d'âme.

Extrait
Voilà, c'est fait, mon fils est né. Un accouchement comme tous les autres : dans les cris, les pleurs et le sang. Une révolution, en somme. Et pas vraiment tranquille... Mais une révolution à l'envers, qui aboutirait à l'installation d'un roi dans une république jusque là plutôt pépère. Un petit tyran à l'égo hypertrophié dont les moindres caprices doivent être immédiatement satisfaits, sous peine de hurlements stridents. 
Et pourtant, ce petit prince incarne le mystère d'un amour alchimique, une création parfaite, jaillie des limbes. Un geste à la fois banal et remarquable. Remarquable en ce qu'il mène à l'immortalité. Nul besoin de religion ou de croyances surnaturelles pour espérer la vie éternelle. Se prolonger soi-même, et se savoir la prolongation de ses ancêtres, c'est bien assez pour se croire immortel. (P7)

*Une excellente critique littéraire sur le sujet : Les dérives d'un père indigne.

dimanche 5 février 2012

Des souris et des hommes - de John Steinbeck

Des souris et des hommes (Of Mice and Men). - John Steinbeck. - Traduit de l'américain par M.-E. Coindreau. - Préface de John Kessel. - Gallimard. - Coll. Folie. - 2011 (1937). - ISBN 978-2-07-036037-6

Quatrième de couverture
Lennie serra les doigts, se cramponna aux cheveux.
- Lâche-moi, cria-t-elle. Mais lâche-moi donc. Lennie était affolé. Son visage se contractait. Elle se mit à hurler et, de l’autre main, il lui couvrit la bouche et le nez. – Non, j’vous en prie, supplia-t-il. Oh, j’vous en prie, ne faites pas ça. George se fâcherait. Elle se débattait vigoureusement sous ses mains… – Oh, je vous en prie, ne faites pas ça, supplia-t-il. George va dire que j’ai encore fait quelque chose de mal.
Il m’laissera pas soigner les lapins.

Prix Nobel 1962.



Mon appréciation
Voilà un classique que je rêvais de lire depuis des lustres. Chose faite et appréciée! J'ai pris le temps de le bouquiner, petit à petit, un chapitre à la fois, afin de bien saisir l'essence même de l’œuvre et de mieux apprécier son histoire.

Une amitié masculine
Des souris et des hommes, c'est un récit fou au cœur de la campagne américaine. Le récit d'une amitié incomprise, plus forte que tout. Une amitié masculine. Avez-vous réalisé jusqu'à quel point les œuvres montrant les puissantes relations amicales entre hommes sont rares? Tant dans la littérature que dans le cinéma. Comme si l'amitié entre mâles était un sujet tabou. Comme si on avait pas le droit de dire que deux hommes peuvent ressentir l'un pour l'autre un attachement sincère et infini, sans que cela soit de l'amour physique. On montre souvent des réalisations mettant en scène des amis dans des relations superficielles, rarement des relations qui vont au-delà des modèles patriarcaux d'hommes sans émotion, qui ne cèdent pas à la « sensiblerie féminine » de l'amitié, qui ne fréquentent les autres que pour la bière et les barbecues, comme un « vrai mâle » se doit de le faire... Heureusement, certain(e)s osent représenter des relations plus proches de la réalité avec des histoires d'amitiés si solides qu'un ouragan ne pourrait qu'à peine les ébranler. Je pense à Parle avec elle de Pedro Almodòvar. Et à Des souris et des hommes. Mais j'ai du mal à en trouver d'autres, sachant aussi que je n'ai pas tout vu et tout lu. En connaissez-vous des œuvres où une profonde amitié masculine est au cœur même de l'histoire? Il ne s'agit pas d'une question rhétorique. J'ai envie de découvrir des livres et des films sur ce sujet, ma foi, fort passionnant.


Pour en revenir à l’œuvre, Des souris et des hommes, c'est une amitié qui va au-delà de la vie et de la mort. George est ami avec Lennie. Rien de surprenant, si ce n'est que ce dernier souffre d'un retard mental flagrant. À cette époque, on enfermait les gens comme Lennie. On les attachait à des lits jusqu'à la fin de leurs jours. George à pris son copain en charge. Ils parcourent les routes ensemble, et trouvent du travail, jusqu'à ce que Lennie fasse une nouvelle gaffe qui les oblige tous les deux à s'enfuir. C'est leur lot quotidien, qui se répète sans cesse. George prétend qu'il ne fait qu'endurer Lennie, et qu'un jour, il en aura marre. Pourtant, on sent derrière son armure un amour sincère pour son compagnon de route.... Un homme ne peut donc jamais parler ouvertement de son amitié? Il semble que non, du moins, pas à cette époque, pas dans les États-Unis de 1937, où la seule façon pour un homme, semble-t-il, d'exprimer son amitié, est de le démontrer sans le dire. George prend soin de son ami. Il le gronde, mais ne le frappe jamais. Il est déçu lorsque son ami écrase des souris entre ses mains, mais il a aussi conscience du fait que Lennie ne connaît pas sa force, et n'est, en réalité, qu'un enfant dans un corps d'homme exceptionnellement fort. Il aime toucher les choses douces, comme la fourrures des souris. Ce n'est pas de sa faute s'il appuie trop fort. George empli l'esprit de Lennie de rêve, pour le consoler et se donner l'illusion que leur amitié est socialement possible. A force, lui-même finit par se convaincre que leur rêve de posséder une ferme et des lapins à caresser est possible. Et même tout prêt. Un dernier mois de travail, et il pourra toucher le rêve. Si Lennie ne fait pas de nouvelles gaffes...

Mais dans ce monde, l'on traite les hommes comme Lennie de la même manière que les animaux. On ne leur pardonne pas la moindre erreur. On ne les garde que s'ils sont utiles. Les hommes faibles deviennent des souris dans les mains de la société. Au moindre moment, celle-ci peut l'écrabouiller avec sa pression trop forte. Pour survivre, il faut se faire discret, et ne jamais rien revendiquer qui soit au-dessus de sa condition. À société spéciste, société raciste, sexiste et élitiste. Il faut rester à sa place pour ne pas s'attirer la foudre de son entourage critique. Le problème, c'est que Lennie est une âme pure, qui ne comprend pas ces principes de discrimination. Il admire sans condition George, et est prêt à tout pour ne pas lui déplaire. Ce qui met ce dernier dans l'embarras, lui donnant sans le vouloir la responsabilité de la protection de son ami. Une responsabilité qui devient un fardeau au fil du temps, mais dont il ne peut se défaire, trop attacher à son compagnon de route. L'amitié est à la fois une chose précieuse et terrible.

Un roman au-delà des préjugés. Un roman d'amitié, mais aussi de rêves et de désillusions. Un roman qu'il faut lire au moins une fois dans sa vie.

Lu dans le cadre du challenge Un classique par mois

mercredi 1 février 2012

Choses à ne pas faire - de Bruno Blanchet

Blanchet, Bruno. Choses à ne pas faire. Les Intouchables. 2000. 170 pages. ISBN 2-89549-012-0

Quatrième de couverture
Qui n'a jamais rêvé de faire des choses qui ne se font pas? Voici enfin, rassemblées dans un même livre, toutes les choses à ne pas faire.  Bruno Blanchet, seul expert connu dans ce domaine, les a recensées pour vous au terme de plusieurs années de recherches intensives. Encore bien plus, il les a toutes testées pour vous. Il y a perdu sa réputation, une partie de sa santé et son petit chien Bouchon. Ce livre doit être manipulé avec beaucoup de précautions. Il ne doit pas être mis entre toutes les mains. Et si jamais il vous venait l'idée de faire une de ces choses à ne pas faire, ne venez surtout pas nous dire que nous ne vous avions pas dit de ne pas la faire.

Bruno Blanchet est comédien et chroniqueur. Il a participé pendant plusieurs années à l'émission La fin du monde est à sept heures.


Un chose à faire : lire ce livre
J'ai souvent dit que je n'appréciais pas beaucoup les humoristes québécois, trop superficiels et d'une verve pas assez sociale et politique à mon goût. Bruno Blanchet fait partie des exceptions à ma règle. Je l'adore! Tout simplement. Il ne touche pas aux politicailleries, préférant trouver sa voie dans le loufoque et l'insolite. Il me fait rire par ses blagues sans queue ni tête, ses imitations méchantes et ses personnages surréalistes. Il me détend. Je me sens bien lorsque je regarde ses vieux sketchs sur youtube, en souvenir de l'époque où il participait encore aux émissions télé. ^^

Cet humour absurde et décalé à l'extrême s'étale dans tout son génie dans ce petit recueil de pensées humoristiques, dont le concept est de nommer des choses à ne pas faire, jamais, à moins d'avoir envie de vraiment énerver les gens. Le livre contient environ une pensée (parfois plus) par page, pour un total de cent soixante-dix qui se lisent en moins d'une demi-heure, ou, comme je l'ai fait, petit à petit au cours de la journée pour mieux en savourer chaque mot. Bruno Blanchet est ici d'une drôlerie incroyable. J'ai ris plusieurs fois à haute voix, j'ai lu et relu certaines phrases sans m'en lasser, j'ai apprécié chacune des blagues à leur juste valeur.

J'ai maintenant bien envie de lire ses autres livres, différents, où il raconte ses voyages à travers le monde avec humeur et poésie. Choses à ne pas faire, un petit ovni à découvrir pour se remonter le moral comme jamais.

Extraits
« Il ne faut pas se déguiser en mollet dans une exposition canine ». P10

« Si vous allez dans le bois et qu'un arbre vous sourit et vous prend dans ses bras, cessez immédiatement de cueillir des champignons ». P47

« Il ne faut jamais faire exploser quelqu'un qu'on aime ». P48

« Dans un lieu public, quand on ne connaît personne et qu'on veut se faire un ami, il faut toujours éviter de jouer avec ses mamelons ». P87

« Pour faire des bébés nachos, mettez un nacho mâle sur un nacho femmelle. Évidemment, le nacho mâle, c'est celui qui a la moustache ». P148

Bonus
Des choses à ne pas faire... en vidéo!
Un extrait de La fin du monde est à sept heures

Liens
Le site officiel sur Bruno Blanchet