samedi 11 février 2012

Dérives - de Biz

Je n'ai toujours pas terminé de rattraper mon retard dans mes billets. J'en suis toujours à écrire des billets sur mes lectures du congé de noël! Mais, peu à peu, l'écart se rétrécit, héhé. Bientôt, je serais peut-être à jour, qui sait? ;)

Quatrième de couverture
À la naissance de son fils, un homme sent tomber sur ses épaules tout le poids du monde. Écrasé par le quotidien, réfugié dans son lit, il entre alors en lui et s'engage sur un radeau dans la traversée du marais.

Avec un sens aigu du détail qui fait mouche, le rappeur Biz explore le côté obscur de la vitalité qui nous fait tout voir en noir et souhaiter ne plus jamais quitter le lit, cette embarcation de fortune qui nous permet de sonder le néant de nos dérives.

Biz est membre du groupe rap Loco Locass depuis dix ans.
Dérives est son premier récit de fiction.

Biz, Dérives, Montréal : Leméac, 2010, 93 p., ISBN : 9782760933163

Mon commentaire
Je n'ai jamais caché sur ce blogue toute la fanitude que j'éprouve pour la rapoésie du groupe Loco Locass. Biz, un des trois membres de ce groupe, est l'auteur de ce court roman, lisible par les nouveaux parents entre deux biberons (ou pas!). Écrit avec la même verve poétique que les chansons des Loco Locass, ce roman nous fait plonger au cœur d'une profonde dépression que Biz, à la dérive, a crée au fond de son lit, en catharsis bienfaitrice.

Baby-blues
Dérives, récit à forte empreinte biographique, peut se concevoir comme une explication à un phénomène social au Québec : la désertion du père. Pourquoi tant d'hommes abandonnent-ils leur famille? Et tant d'enfant sans père? Bien entendu, plusieurs explications existent et cohabitent. Des raisons d'ordre sociologiques, patriarcales, historiques, culturelles... Mais une raison n'est jamais évoquée, en grand tabou de la pensée parentale : les enfants ne font pas nécessairement le bonheur. Lors d'une entrevue, Biz a dénoncé le marketing publicitaire derrière les images photoshopées des parents heureux :
[...] il y a un décalage entre le marketing de la parentalité et ce que c'est au quotidien. Dans les magazines, je voyais des pères aux dents blanches, heureux, pas de cernes... C'est comme une annonce de bière, mais avec des enfants! Ce n'est pas ça du tout ce que j'ai vécu!*
Et c'est la désillusion derrière la parentalité que Dérives abordent de plein front. Au moment de la naissance de son fils, Biz souffrait de troubles dépressifs, voire bipolaires. La société semblait lui faire croire que de s'occuper d'un bambin l'aiderait à surmonter cela, mais il n'en fut rien. Changer des couches ne l'a pas rendu heureux. Mais cela n'est pas la faute de l'enfant (ou même de la conjointe) : l'enfant est né dans l’œil du cyclone. Car, à ce moment de sa vie, Biz, tout comme le narrateur du roman, dérivait sur son lit, dans le marécage métaphorique de ses troubles mentaux. La dépression post-partum touche aussi les hommes, contrairement à la croyance populaire. Une maladie qui pousserait peut-être certains hommes à quitter leur famille, à abandonner conjointe et enfants, ces derniers devenant synonyme de douleur plutôt que de joie. Et Biz ne rejette pas la faute à qui que ce soit. Il ne fait que décrire son propre vécu :
Socialement, au Québec, on est rendu là, dit-il. On peut parler de ça. Je n'ai pas du tout écrit un pamphlet masculiniste, je ne parle pas au nom de ma génération, mais je me rends compte que beaucoup de gens se retrouvent là-dedans. Les filles sont intéressées par mon livre pour le donner à leurs chums, pour comprendre ce qu'ils vivent ou ce qu'elles ressentent elles aussi. On excuse plus les pères de ne pas «tripper» sur les nouveau-nés; pour une mère, qui le porte, qui l'allaite, ce doit être beaucoup plus heavy comme pression».*
Dérives, un petit roman poétique qui reflète l'état dépressif d'un nouveau père qui n'arrive pas à trouver le bonheur au quotidien, et qui se réfugie dans son lit afin de dériver dans le marais de ses états d'âme.

Extrait
Voilà, c'est fait, mon fils est né. Un accouchement comme tous les autres : dans les cris, les pleurs et le sang. Une révolution, en somme. Et pas vraiment tranquille... Mais une révolution à l'envers, qui aboutirait à l'installation d'un roi dans une république jusque là plutôt pépère. Un petit tyran à l'égo hypertrophié dont les moindres caprices doivent être immédiatement satisfaits, sous peine de hurlements stridents. 
Et pourtant, ce petit prince incarne le mystère d'un amour alchimique, une création parfaite, jaillie des limbes. Un geste à la fois banal et remarquable. Remarquable en ce qu'il mène à l'immortalité. Nul besoin de religion ou de croyances surnaturelles pour espérer la vie éternelle. Se prolonger soi-même, et se savoir la prolongation de ses ancêtres, c'est bien assez pour se croire immortel. (P7)

*Une excellente critique littéraire sur le sujet : Les dérives d'un père indigne.

2 commentaires:

GeishaNellie a dit…

Un livre sur le rôle du père et ses difficultés, huum, vraiment intéressant, mais ça pourrait faire peur à mon chum ;)

Mascha a dit…

Le but du livre est positif, bien que le narrateur traverse une tempête d'obscurité avant d'en arriver au calme. ;)
Merci de ton commentaire!! :D